C'est lors de son second séjour à Weimar (1708-1717)que Bach découvre vraiment la musique italienne, grâce à l'organiste virtuose de cette ville,
Johann Gottfried Walther, grand amateur du style italien.
Johann Gottfried communique à Johann Sebastian de nombreuses copies de partitions de Frescobaldi, Legrenzi, Corelli, Albinoni... et bien sûr et surtout de Vivaldi ! JSB est particulièrement impressionné par ce dernier, notamment par ses concertos pour violon. A tel point qu'il entreprend immédiatement de s'en faire des « copies » personnelles...
Malheureusement (ou heureusement !) la photocopieuse se fait attendre, et surtout quand on s'appelle Bach, on ne peut pas se contenter de jouer les vulgaires copistes (comme devra le faire un peu plus tard Jean-Jacques pour assurer son casse-croûte)...
Donc Jean-Sébastien, plutôt que de risquer des fautes de frappe, en rajoute de sa plume : il transcrit, transpose, arrange, met de l'orgue ou du clavecin à la place des violons ou l'inverse, bref il bricole à sa sauce ! Au final, cela donnera des œuvres de Bach «d'après» Vivaldi, œuvres qui figureront par la suite à son catalogue, le fameux « BWV » (pour les érudits sous les numéros 593, 594, 596, 972, 973, 975, 976, 978, 979, 980, sous bénéfice d'inventaire car on n'a pas forcément retrouvé toutes les œuvres de Vivaldi qui auraient pu faire l'objet d'une telle adaptation...).
Ces « oeuvres » ont donné lieu à des appréciations diverses, en particulier selon que le critique est un « fan » de Jean-Sébastien ou d'Antonio...
Ainsi Luc-André Marcel (Bach, Seuil 1961) :
« Du reste Bach traite librement ses modèles. Il les transcrit mais n'hésite pas à les enrichir à sa manière. Il les revit. Ces additions prennent, de ce fait, un caractère de nécessité remarquable. Elles eussent laissé Vivaldi rêveur. Çà et là un renforcement harmonique, quelques touches rythmiques et contrapuntiques, le cerne d'un détail, l’embellissement d'une phrase, et déjà, nous entendons moins du Vivaldi que du Bach ».
Mais Roland de Candé (Vivaldi, Seuil, 1967) lui répond :
« Pour habile que soit le magnifique travail de Bach, ces transcriptions n’ajoutent rien à sa gloire. J'avouerai même, au risque de blasphémer, que les concertos vivaldiens, d'essence violonistique, me paraissent tout à fait dénaturés par l'exécution au clavecin ou à l'orgue. Indifférent à la sensualité instrumentale de ses modèles, à la souplesse des lignes, à la transparence des sonorités, Bach a génialement trahi Vivaldi : d'une œuvre polychrome, il a donné une brillante interprétation en noir et blanc ».
D'autres vont beaucoup plus loin dans l'accusation de « plagiat »... ainsi Claude Fernandez dans un long article au titre iconoclaste « Bach est-il un grand compositeur ? » (qu'on peut lire en ligne : ici ) instruit en règle le procès à charge.
Et la polémique déborde même sur YouTube (mais qu'est-ce qui ne déborde pas sur YT ?) avec « preuves » musicales à l'appui : ici
Heureusement qu'au GEVA nous travaillons (du moins nous essayons modestement...) à réconcilier le prêtre roux de Leipzig et le cantor de Venise, Antonio Bach et Jean-Sébastien Vivaldi !